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courses de côtes - Page 15

  • LA COURSE DE CÔTE DE SAINT-GOUËNO ET SON FER A CHEVAL (2)

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     1974, le pilote rennais Yves Martin  pilote brio une McLaren Formule 2 orange, comme les voitures officielles aux débuts du team créé par Bruce McLaren. Cette monoplace avait d'ailleurs été pilotée par Jody Scheckter

    Après une première note consacrée à des passages « chauds » au Fer à cheval lors de  la Course de côte de Saint-Gouëno, j’ai sorti de mes archives quelques vues de pilotes qui négocièrent ce virage délicat à la perfection. Voici donc quelques moments de pilotage choisi, des instants qui ont fait vibrer les spectateurs amateurs de beau pilotage.

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    Tous les passionnés de compétition se souviennent des BMW Art Cars initiées par Maître Hervé  Poulain. Si le commissaire priseur le plus rapide du monde a  eu envie de courir au Mans et a trouvé un schéma exceptionnel pour y parvenir, ce fut parce qu'il était un gentleman driver particulièrement performant. En 1974, il a couru plusieurs fois dans l'Ouest. Le voici à l’attaque eau volant de sa R 12 Gord groupe 2.

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    Sans soute vous souvenez davantage de ses performances en Championnat d'Europe avec de très grosses autos, BMW 635 groupe A, BMW M1 et Maxi 5 Turbo groupe B. Avant, Giovanni Rossi avait piloté d'autres montures avec brio. Pas seulement la BMW 528 groupe A ou l'Opel Commodore GSE groupe 1, mais aussi une Alfa Romeo 2000 GTV Bertone. Le voici en action en 1974 !

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    Impossible de parler de course de côte sans mentionner un nom, celui d’un des pilotes les pus doués de la discipline, Francis Dosières. Une légende aussi. Mes premiers souvenirs de lui remontent au Mont-Dore 1976 où il avait remporté la classe 1300 – 1600 du groupe 1 avec une Simca 1000 Rallye 2 devant un autre jeune loup, Henri Vuillermoz. En 2015, Francis court encore au volant d’une Megane Trophy. En 1980, 1981 et 1982, il pilotait cette magnifique Ford Escort 2000 RS groupe 1. Avec très souvent la victoire à la clé bien sûr.

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    1980, un pilote de voiture fermée conquiert le titre de Champion de France de la montagne. Il s’agit de Jean-Christian Duby sur Ford Escort 1800 RS groupe 2. Un beau parcours pour le pilote et sa monture.

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    Non, le parcours de Jean-Christian Duby n'avait pas été un long fleuve tranquille. Pour battre les pilotes de F2 au championnat, il fallait gagner le groupe 2 presque tout le temps. Or, il y avait de la concurrence. Au Mont-Dore d'ailleurs, Yves Evrard avait imposé sa BMW 320 aux Escort. Et il fallait aussi compter avec Philippe Leclerc et sa BMW 320 Hartge (ci-dessus).

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    1982, Christian Dzierzbicki réalise des montées parfaites et arrache la victoire en groupe A dans la classe des moins de 1300 cm3. Il devance un peloton de furieux dans lequel figure notamment le très rapide Patrice Cosson. Christian ne courait pas très souvent dans l’Ouest. Il disputait plus volontiers les épreuves pas trop éloignées de l’Ile de France et dans l’Est. Le voir au départ augurait toujours d’une belle bagarre dans la catégorie. J'aurais aimé voir cet excellent pilote au volant d'une grosse auto. Je suis persuadé qu'il avait le talent et toutes les qualités pour intégrer le clan des gros bras capables de jouer régulièrement le groupe et de viser le podium au championnat.

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    1982 toujours, Jean-Philippe Grand fait partie des grands de la montagne. Il tire toute la quintessence de sa barquette Lola sur les routes du Championnat de France. Avant de troquer son casque et sa combinaison pour le costume de patron du Graff Racing, le pilote tourangeau a su s’imposer comme pilote.

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    1984, Francis Dosières pilote maintenant une BMW 528 groupe A. Avec autant de brio que ses montures précédentes. Francis reste le patron dans sa catégorie. Dès 1985, la 635 succédera  à la 528 et lui permettra de conquérir le titre de Champion d'Europe.

     

    Voilà, je n'ai pas évoqué tous les pilotes qui ont écrit l'histoire de la Course de côte de Saint-Gouëno. Mais d'autres photos et d'autres notes viendront. J'ai des cartons entiers de diapos à scanner, alors la matière ne manque pas. Le temps si, souvent, mais j'essaie quand même de faire revivre ces beaux moments de la course automobile que nous aimons tant.

    Vous pouvez également me retrouver sur http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/ , http://circuitmortel.com , https://gotmdm.com/driver/

    QUELQUES LIENS A SUIVRE

     

    Un week-end agité à la Course de côte de Saint-Gouëno  http://bit.ly/OKCzJB

     

    Des « Groupe B » en course de côte http://bit.ly/1NFcjZQ

     

    Un feuilleton automobile dans le monde de la course de côte http://bit.ly/1TFRLlK  

     

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    https://twitter.com/ThierryLeBras2

     

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    Thierry Le Bras

  • THIERRY LE BRAS RACONTE DES SOUVENIRS DE COURSE AUTOMOBILE

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    Thierry Le Bras (en combinaison) auprès de sa Golf GTI  

    La course automobile, ce sont bien sûr les grandes épreuves comme les Grands-Prix de F1, les 24 Heures du Mans, le Rallye de Monte-Carlo et d’autres courses médiatisées, mais pas seulement.

     

    Chaque week-end ou presque, d’authentiques  passionnés disputent des compétitions moins connues du public, des courses de côtes, des rallyes, des rallycross, voire des slaloms. A la fin des années 70 et au début des années 80, j’ai fait partie de ces amateurs pour qui le pilotage constitue un plaisir suprême, une joie à nulle autre pareille, une source de temps forts magiques.

     

    J’ai déjà raconté quelques moments vécus au cours de cette période :

     

    * La Golf  GTI, voiture passion :

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2008/03/26/golf-gti-voiture-passion.html

     

    * Premier rallye en Golf GTI :

    http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2008/04/17/premier-rallye-en-golf-gti.html

     

    La course auto : que du bonheur !

     

    D’autres viennent les compléter, notamment ceux de l’été 1977. J’avais 22 ans. J’étais jeune et insouciant. Je venais d’obtenir ma maîtrise de droit privé. Je remportais souvent ma catégorie en course de côte. Je me sentais prêt à conquérir le monde. Seule ombre au tableau, le service national qui se profilait à l’échéance du 1er octobre. Douze mois. J’espérais un peu passer au travers, comptant arguer d’une scoliose et de lombalgies chroniques. Peut-être qu’un médecin compréhensif accepterait l’idée que j’allais m’inscrire en DEA et que j’avais mieux à faire que passer une année entière à la caserne. Que ceux qui considèreraient à juste titre qu’un tel privilège eût été tout à fait injuste se rassurent. Mon plan n’a pas fonctionné et j’ai fait mon service comme tout le monde. Il faut dire que je n’ai pas vraiment insisté sur mes prétendus problèmes de santé. Je ne tenais pas à me faire repérer, d’autant que je comptais bien faire cadrer les permissions le week-end avec les dates de courses. En fait, l’année passerait plus vite que prévu. Aujourd’hui, je ne conserve que de bons souvenirs des obligations militaires.  Je m’y suis fait de bons copains et, si nous nous sommes perdus de vue avec le temps, je n’oublie pas les bons moments passés.

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    Mais à quelques semaines de l’appel sous les drapeaux, je jouissais pleinement de ma qualité d’étudiant en vacances après avoir obtenu le diplôme essentiel à mes projets d’avenir. Je savais très bien  qu’un jour, mes obligations professionnelles deviendraient difficiles à concilier avec la course automobile et  qu’il faudrait jongler avec l’emploi du temps. Alors, ma principale préoccupation de l’été, c’était de remporter le plus possible de victoires de catégorie en course de côte au volant de ma Golf GTI.

     

    Cet été là, j’ai disputé huit courses de côte et je me suis imposé six fois dans ma catégorie. J’étais content, même si j’ai assez mal vécu de me faire battre à Pluméliau ou au Mont-Dore. « Il faut bien que le métier rentre », affirmait mon père qui faisait partie de mes plus fidèles supporters et se déplaçait souvent sur les épreuves.  Quelques années plus tard hélas, l’influence d’une femme furieusement cupide et assez maléfique l’écarterait de sa passion de l’automobile comme de ses amis.

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    Avec mon père avant la dernière montée de la course de côte de Pluméliau

     Nous nous demandons où je vais pouvoir trouver la fraction de seconde nécessaire pour gagner la classe

     

    Il existait des différences significatives entre la course pendant les seventies et le sport automobile d’aujourd’hui. D’abord, la compétition coûtait beaucoup moins cher. Et pas seulement en euros constants. Si on convertissait le coût en francs d’une saison de courses de côtes des années 70 ou du début des années 80 en euros d’aujourd’hui en le  corrigeant  de l’érosion monétaire, je suis persuadé qu’il représenterait une fraction assez faible du budget d’une saison au XXIème siècle. D’ailleurs, beaucoup de jeunes couraient dans les années 70. Il n’était pas rare de voir plus de  150 voitures au départ d’une course de côte. Parfois, une quarantaine de Talbot Rallye 2 groupe 1 se disputaient la victoire dans leur classe. J’ai croisé  sur des épreuves deux anciens copains du CM2 à l’école primaire qui se lançaient aussi dans la grande aventure de la course auto. Je pense qu’aujourd’hui, le fait que  trois élèves d’une même classe courent doit représenter une circonstance assez rare.

     

    Une ambiance de fête

     

    Chaque week-end de course représentait une fête de la course automobile. Comme beaucoup d’autres équipes, nous campions généralement dans le parc fermé. La course prenait donc un air de vacances entre les montées. Mais attention, j’ai toujours travaillé mes courses comme des examens universitaires et des dossiers. Donc, nonobstant l’atmosphère festive, j’étudiais très sérieusement les pistes en reconnaissance. En plus, le dimanche matin, je me levais à 6 heures pour faire quelques ultimes montées d’essais « libres »  avec la voiture de course. Généralement, Guénaël, un des copains qui me faisaient l’assistance, m’accompagnait dans cet exercice. Nous rencontrions quelques autres pilotes qui adoptaient la même pratique, notamment Jacky Ravenel, le roi du groupe 1 ces années-là. Nous nous organisions dans un souci de sécurité optimale. Nous montions les uns après les autres en laissant un écart de quelques secondes pour ne pas nous  gêner. En haut, nous attendions que le dernier ait fini sa montée, puis nous descendions en convoi avant de remonter.

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    Parc fermé du Mont Dore 1977

    Thierry est à droite au premier plan devant Guénaël

    à gauche Hervé, encyclopédie vivante du sport automobile

     

    Mon seul regret sur les courses était de ne pas pouvoir m’adonner à une autre activité que j’adore, la photo. J’ai essayé deux ou trois fois de réaliser quelques images entre mes montées d’essais ou de course (cf. les clichés à la fin de la note), mais j’y ai renoncé car j’avais l’impression de troubler ma concentration. Quand je courais, je ne voulais penser qu’à l’épreuve et pas à autre chose.

     

    Les disciplines étaient moins cloisonnées qu’aujourd’hui. Beaucoup de pilotes étaient éclectiques. Les voitures s’adaptaient à différents types d’épreuves. A titre d’exemple, l’année précédente, l’équipage Gadal – Segolen – Ouvière avait remporté le groupe 4 au 24 Heures du Mans au volant d’une Porsche 911 atmosphérique avec laquelle Maurice Ouvière avait aussi gagné le Rallye d’Armor et plusieurs courses de côtes dans sa catégorie. Quelque chose d’impensable de nos jours.

     

    Nous avions tous en tête des rêves d’engagements dans des épreuves mythiques. Nous espérions faire Le Mans, pas sur un proto Alpine A 442 ou une Porsche 936, mais sur une 911 groupe 4 ou peut-être une barquette 2 litres. Ou le Monte-Carlo qui était encore ouvert aux amateurs.  Des copains comme Segolen y étaient bien arrivés. Alors, pourquoi pas moi ? De nombreux amis tels que Pierre-Yves Prié m’ont avoué depuis qu’ils avaient aussi eu en tête de disputer Le Mans. Pour ma part, je me voyais déjà roulant sur la même piste que Didier Pironi, mon pilote préféré, même si je savais que nous ne courrions pas dans la même catégorie et que je n’irais jamais prendre son aspiration ni le piquer au freinage.

     

    Ces années-là, nous partagions parfois les sites  avec les motards. Ils couraient le samedi et nous le dimanche, ou les matins du samedi et du dimanche et nous les après-midis. Cette fusion des manifestations auto et moto a disparu aujourd’hui. Chaque discipline organise ses épreuves à des dates différentes.

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    Jean-Bernard Pannetier,

    un copain motard à Bais-Montaigu en 1978

     

    J’avais un copain qui courait à moto en course de côte ainsi qu’en circuit dans une coupe de marque. Il était très doué et réalisait de jolies performances malgré un matériel modeste. Jean-Bernard envisageait de passer de la moto à l’auto. Cela donna lieu à un projet commun, courir avec la Golf à Serre-Chevalier et aux 24 Heures de Chamonix. Les pilotes se relayaient pendant les manches, d’où la nécessité de constituer un équipage. La GTI aurait sûrement été bien adaptée à ces courses sur neige et je pense que nous aurions pu réunir le budget de fonctionnement, mais quelques photos des éditions précédentes m’en ont dissuadé. Ces épreuves sur glace se révélaient fort destructrices pour le matériel. Elles annonçaient de gros frais de carrosserie, voire carrément une caisse. Et une caisse nue de Golf non peinte valait tout de même 17.000 F. H.T., de quoi réfréner nos envies de glisse sur quatre roues au milieu d’autres furieux.

     

    Naturellement, je me considérais meilleur que Jean-Bernard et lui pensait qu’il me battrait après une période  d’apprentissage de la course auto. Un pilote qui ne court pas pour gagner ne mériterait pas le nom de pilote. Un moment, nous pensâmes tous les deux préparer des Ford Escort 2000 RS groupe 1 pour la saison 1979. L’idée donna lieu à des plaisanteries répétées. « Choisis une autre voiture, conseillais-je à Jean-Bernard. Si tu montes une Escort, tu finiras toujours deuxième et ça va te frustrer. » « Et toi, tu seras toujours troisième », répondait mon camarade en riant.

     

    Finalement, la confrontation n’eut jamais lieu car nous n’avons jamais couru dans la même catégorie. Nous ne saurons donc jamais qui était le meilleur, ce qui n’est peut-être pas plus mal.

     

    Thierry Le Bras

     

    Quelques photos d’époque

     

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    Jacky Ravenel et son Opel Commodore GSE,

    un tandem  imbattable en 1977

     

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    Patrice Cosson, un pilote au tempérament de feu

     

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    Joël Dréan au volant d’une 4 cv groupe 5

    Son fils Stéphane brille aujourd’hui en Rallycross

     au sein du Team Hervieux de Denis Vaillant

     

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    L’ambiance de la course durant les sixties vous manque. Vous aimeriez vous y replonger ? Alors, lisez deux romans de Thierry Le Bras parus chez Astoure (éditeur diffusé par Breizh). Dans Circuit mortel à Lohéac et Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans, le Team Vivia vous ramènera dans le tourbillon de cette époque formidable.

  • POLITIQUEMENT INCORRECT

    ALFA ST GOUENO 2005.JPGFICTION AUTOMOBILE
    Éric Trélor, personnage récurrent des Aventures de David Sarel raconte quelques souvenirs de reconnaissances de courses de côtes à son fils Fabien et à son ami Jeremy

    - Je me souviens par exemple de Plumeliau 1977 dans le Morbihan, expose le parrain de David. J’étais arrivé sur le site le vendredi soir avec Mikaël (1). La course se déroulait tout début juillet. Il faisait beau. Nous campions tous dans le parc fermé en bas du tracé. Ronnie et Luc étaient là aussi.
    - Tu avais l’Alfa à cette époque ? interroge Fabien, le fils cadet d’Éric.
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    - Oui, confirme son père. Un coupé GTV 2000 groupe 1. Ronnie courait sur une Simca 1200 S groupe 3 et Luc sur une 1000 Rallye 2 groupe 1. Nous figurions tous les trois parmi les favoris de nos catégories respectives.


    medium_SIMCA_1200_S_RONNIE.jpg- Je suppose que vous avez commencé à reconnaître le vendredi soir ? demande Fabien.
    - Évidemment. Nous avons d’abord fait quelques montées avec nos voitures de tourisme.

    - Quels modèles ? questionne Jeremy, ami et navigateur de Fabien aujourd’hui. Je suppose que vous n’aviez pas des diesel qui se traînaient et sentaient mauvais.
    - Moi, j’avais un coupé Alfa 1600, Ronnie un coupé Peugeot 504 et Luc une R 16 TS. Nous amenions chacun un navigateur qui nous annonçait les notes comme en rallye. Puis au bout de quelques montées, lorsque nous connaissions par cœur, il se taisait.
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    Mais les voitures de tourisme, même performantes, ne donnaient pas la même impression que les voitures de course préparées et équipées de slicks. En fin de soirée, il était donc fréquent que les pilotes tournent avec leurs voitures de compétition. Plaques masquées, équipées de pots d’échappement libre et de pneus lisses, les machines qui allaient en découdre le dimanche investissaient la route encore ouverte à la circulation.
    - Nous voulions préciser nos repaires de freinage, de trajectoire, préparer au mieux les montées chronométrées, précise Éric. Ce soir-là, nous nous sommes organisés conformément aux habitudes et usages. Nous montions les uns derrière les autres, nous faisons demi-tour en haut, nous redescendions la piste lentement en convoi, et nous repartions pour une nouvelle montée. Comme souvent, Luc s’est amusé à énerver Ronnie. Ils étaient très potes tous les deux, mais ils entretenaient une rivalité exacerbée. Alors, Luc se plaçait derrière Ronnie. Et au lieu d’attendre quinze secondes après le départ de la 1200 S, il démarrait juste derrière et lui montrait en le talonnant qu’il était un peu plus vite. De toute façon, les deux voitures n’étaient pas dans le même groupe.
    medium_RALLYE_2_1.jpgEn plus la Rallye 2 était un peu plus performante que la 1200 S et Ronnie sans doute légèrement moins rapide malgré un super sens de l’attaque et un cœur énorme. Voyant le jeu de Luc avec Ronnie, Jacques Dumoulin qui courait sur une Alfa 2000 GTV blanche s’est mis en tête de jouer au même jeu avec moi. Objectivement, c’est super énervant et ça multipliait les risques dans un exercice déjà dangereux.
    medium_ALFA_2000_GTV.2.jpgD’ailleurs, j’ai failli me sortir dans une grande courbe rapide. J’ai pris le bas-côté et je suis parti dans une série de travers que j’ai rattrapés par miracle. Merci Saint-Christophe. Du coup, Jacques a repris ses distances lors des montées suivantes. Ronnie par contre a fait croire à Luc qu’il s’arrêtait, puis il est reparti juste dans ses pare-chocs. Luc avait tellement peur de paraître moins bon que lui qu’il a fait des tas de petites fautes et que Ronnie a fini la montée collé à son pare-choc et persuadé qu’il allait lui coller une valise le dimanche. Ils ont parié sur leurs temps au scratch.
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    - Qui a gagné ? questionne Jeremy.
    - Luc, comme à chaque fois – ou presque - qu’il pariait sur une course ou un défi sportif avec Ronnie.



    - Trois semaines après, Luc lançait un nouveau défi à Ronnie. Faire la course à vélo sur le parcours de la course de côte. Ronnie était carrossier. Luc se préparait à devenir prof de sport. Il s’entraînait comme une bête dans des tas de disciplines, faisait du vélo l’été, du vélo d’appartement l’hiver. Ronnie n’en faisait pratiquement plus depuis sa première mobylette à 14 ans. Il a fait deux ou trois sorties pour se préparer, mais c’était insuffisant. Comme en plus il était très orgueilleux, il a voulu tenir à tout prix le rythme de son adversaire au départ.
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    Il s’est essoufflé et Luc l’a explosé sur la fin du parcours. Ils m’avaient demandé de venir les chronométrer, en contrepartie de quoi, j’étais aussi invité à dîner aux frais du perdant. Je me doutais bien du résultat et je ne m’en réjouissais pas parce que j’ai toujours beaucoup apprécié Ronnie. Luc était un copain, mais Ronnie était un véritable ami, un proche même.



    - C’était bien dans le caractère de Ronnie d’accepter n’importe quel pari, commente Fabien qui a bien connu Ronnie.
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    - Tout à fait, complète son père. Une fois redescendus, au moment de remettre les vélos sur la galerie, Luc a lancé un nouveau défi à Ronnie. Je te laisse une chance à la lutte, a-t-il proposé. Si tu gagnes, on considère que c’est moi qui ai perdu et c’est moi qui paye la bouffe tout à l’heure.
    J’ai conseillé à Ronnie de ne pas tomber dans le piège. Il était costaud, mais Luc était plus fort que lui et ils le savaient tous les deux. Ronnie ne m’a pas écouté. Je n’ai pas insisté. Après tout, ils se mesuraient à la lutte, comme les lutteurs bretons qui s’affrontent dans le respect avant de partager le mouton dans la tradition d’amitié à la fin du tournoi. Ce n’était pas un combat de boxe ni un combat de rue. Personne ne se ferait mal. Ils s’aimaient bien tous les deux et ils venaient de faire équipe aux 100 tours de Magny-Cours sur la Rallye 2.
    medium_LUTTE.jpgLuc a laissé Ronnie gagner la première manche, histoire de le mettre en confiance afin qu’il accepte d’autres défis dans l’avenir. Il était très sûr de lui à ce jeu. Il a fait durer la manche et entraîné Ronnie au bout de l’effort avant de se laisser immobiliser. A la seconde manche, il a fait toucher les épaules par terre à Ronnie après l’avoir littéralement asphyxié pendant quelques secondes. A la troisième manche, il n’y a même pas eu de combat. Après la montée à vélo et deux premiers affrontements à la lutte, Ronnie était rincé physiquement alors que Luc était encore assez frais. Ronnie s’est retrouvé immobilisé par terre, le bras tordu dans le dos, le tout à la première prise et sans avoir trop compris comment ça lui était arrivé. Il n’avait plus qu’à s’avouer vaincu. Lorsqu’ils se sont relevés, Ronnie et Luc se sont fait copieusement insulter par une petite vieille qui passait par-là à vélo. Elle les a traités de voyous, de blousons noirs de gangsters (elle prononçait gangesters), alors qu’ils ne faisaient que chahuter un peu dans un esprit sportif. Ça leur faisait de l’exercice. C’était bon pour leur santé. J’ai essayé de lui expliquer qu’ils ne se battaient pas pour de vrai, que son petit coin de paradis n’était pas envahi par une horde de barbares assoiffés de sang prêts à sortir les armes blanches, que mes camarades s’amusaient, que c’était du sport, de la lutte, que d’ailleurs tout le monde allait dîner ensemble comme après les tournois officiels. Mais elle n’a rien voulu entendre. Au contraire, elle a usé d’un vocabulaire fort étendu dans le domaine des gros mots.
    - Le mari de la vieille n’a pas débarqué avec la fourche et le fusil ? s’enquiert Fabien.
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    - Pas de danger, répond son père. Le mari, il avait cassé sa pipe à mon avis. Elle l’avait usé et enterré depuis bien longtemps. La mort est une délivrance pour les hommes capturés par cette espèce de dragons. Et comme à cette époque, ils plongeaient dans l’alcool et le tabac pour oublier leurs bourreaux en jupons, leurs corps les trahissaient assez tôt et c’était finalement une bénédiction pour eux. Ces années-là, quelques dessinateurs humoristiques croquaient les mégères. Bichette, la femme de Lariflette, comme l’épouse de Hagar du Nord, faisaient un tabac dans Ouest-France. Et n’oublions pas les mémés de Jacques Faizant, ni Bonnemine, la femme du pauvre Abracracourcix, chef du fameux petit village gaulois qui résista vaillamment à l’envahisseur. En tout état de cause, la fureur de la vieille autochtone ne nous a pas troublés. Au contraire, nous étions morts de rire. Ronnie pour sa part était tout content d’avoir sauvé l’honneur en arrachant une manche à Luc, même si au fond de lui, il avait probablement compris le manège de son copain. Nous sommes allés dîner dans la bonne humeur, aux frais de Ronnie que ni la perte du défi ni la note du repas n’avaient traumatisé. A l’époque, tu faisais un très bon dîner au restaurant pour 50 Francs par tête, apéro et vins compris, soit moins de 8 euros.
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    - N’empêche que si nous reconnaissions les courses de côtes et les rallyes comme vous le faisiez à l’époque, on aurait des ennuis avec les riverains et les flics, plaisante Fabien.
    - Tu veux dire qu’on finirait en taule, précise Jeremy.

    - Sans doute, convient Éric. C’était une autre vie, une autre approche de l’automobile. Malgré nos folies, les riverains nous accueillaient bien, à part quelques exceptions comme la vieille sorcière. Certainement parce que les épreuves amenaient du monde sur les sites, faisaient fonctionner le commerce et créaient une atmosphère de fête. J’avais à peu près 22 ans à l’époque. Ronnie un an de plus, et Luc un an de moins. Nous étions un peu fous, insouciants, totalement inconscients du danger. Ronnie encore un plus que les autres, d’ailleurs. Luc et lui restaient un peu gamins, bien qu’intellectuellement et culturellement, ils étaient l’un et l’autre d’un bon niveau et qu’avec les filles, ils savaient y faire. Je ne conseillerais pas aux jeunes pilotes d’imiter nos comportements sur route ouverte, naturellement. Mais il faut reconnaître que nous avons vécu des moments complètement dingues et inoubliables, une belle jeunesse dans un temps où même « les un peu plus de vingt ans » pour parodier Aznavour ne se faisaient pas trop de soucis et ne doutaient de rien.
    - La fin des trente glorieuses ? intervient Jeremy.
    medium_PORSCHE_G_4.jpg- Oui, à peu près. Tout nous paraissait possible et beaucoup de choses l’étaient. C’était une très belle époque pour les gars qui en voulaient. Pas de problèmes avec les heures sup ni les primes au mérite. Des tas de gars qui exerçaient des jobs d’employés ou d’ouvriers arrivaient à courir. Ils n’étaient pas bloqués par des histoires de 35 heures ni le manque de travail. Du boulot et de l’argent pour ceux qui voulaient vraiment y arriver, c’était possible. Sale temps pour les feignasses, il faut bien l’avouer, mais une société ouverte et sympa pour les vrais battants. Nous nous sommes tous construit de belles vies à cette période. Je ne crois pas que nous pourrions réussir de la même façon aujourd’hui. Le coût de l’énergie, les contraintes de toutes sortes ont grippé beaucoup de mécanismes. Sans compter l’obsession des politiques pour une monnaie forte alors qu’un peu d’inflation a toujours boosté l’économie et la croissance. Sans oublier non plus les prétendues valeurs baba-cool qui commençaient à attirer la vindicte sur les plus actifs, ceux qui font marcher l’économie. Des non-valeurs qui produisirent des générations qui regardent ceux qui veulent réussir comme des illuminés nocifs.
    medium_DE_TAMASO.jpg- C’est sûr que les temps ont changé, soupire Fabien. Au lycée, il ne fallait pas faire part de ses ambitions professionnelles et sportives sous peine d’être mal vu. Même en fac, la plupart rêvent d’un job qui ne bousculera pas trop leur petite vie personnelle… Pour certains, donner le meilleur de soi-même, se battre dans le but de faire partie des meilleurs, c’est vouloir écraser les autres. Nous sommes dans la société des limitations de vitesse à tous les niveaux, celle qui pénalise et sanctionne les plus rapides, se moque de ceux qui veulent réaliser quelque chose qui sorte de l’ordinaire, qui prône l’alignement sur le plus mauvais, qui érige la médiocrité en valeur intrinsèque.
    - Vous avez l’air de considérer que les pilotes ont réussi mieux que les autres, constate Jeremy.
    medium_CAMARO_NOIRE_GDE.jpg- Pas tout à fait, corrige Éric. Je dis simplement que la société des sixties et des seventies offrait de vrais possibilités aux battants et que réussir en sport automobile, ça a toujours été dur, même à l’époque. Ceux qui avaient la force mentale de s’imposer parmi les bons dans ce sport étaient capables de réussir aussi très bien dans la vie professionnelle. Ce fut d’ailleurs le cas de Ronnie et Luc.
     (1) Mikaël Mermant, navigateur d’Éric en rallye

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    Partagez une des plus grandes de joies de Ronnie dans une vie et une carrière sportive qui ne ressemblèrent pas à un long fleuve tranquille, malheureusement pour lui : http://0z.fr/DwoeM

    NOTE MODIFIÉE LE 27 DÉCEMBRE 2014

     

    QUELQUES LIENS A SUIVRE

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    Thierry Le Bras